La couleur de la peur
Malorie Blackman





Comment avais-je fait ça ? Comment avais-je pu arrêter d'être moi pour me glisser dans la vie de Steve ? Comment était-ce possible ? J'ai regardé mes mains. Elles tremblaient. C'était dingue ! Le rêve de Steve était si réel. Car ce ne pouvait être que ça : un rêve. Mais d'où venait-il ? J'avais mes propres cauchemars. Mais aucun ne ressemblait à ça. Aucun n'était si intense et aucun ne m'avait fait pénétrer dans la tête de quelqu'un d'autre. 





Chacun de nous a son cauchemar. Une histoire de créatures monstrueuses, de poursuites infernales ou d'effroyables tortures, qui revient inlassablement, dans nos nuits les plus noires...Un seul cauchemar, toujours le même, qui n'appartient qu'à nous. Lors d'un accident de train, Kyle, lui, se découvre l'étrange pouvoir de vivre les cauchemars des autres. De l'intérieur. Comme s'il y était. En attendant les secours, tandis que, la mort rôde parmi les victimes inconscientes, Kyle plonge ainsi au cœur de l'horreur...

Edition : Macadam Milan



 A première vue, le titre parle de lui-même. Pas de petit roman à l’eau de rose ni d’action émotive comme on l’avait connu avec la trilogie Entre chiens et loups. A ça non ! Pas du tout même ! Oubliez. Vous entrez dans un univers sombre auquel on ne s’attendait pas.

Kyle est un jeune garçon qui se rend en sortie avec sa classe. Pour rejoindre la ville, ils doivent prendre le train. Cependant, un accident survient et le train déraille, chacun est renversé, retourné. Kyle est le seul à se réveiller en premier. Ses autres camarades sont blessés, certains font des angles un peu trop obtus et d’autres semblent comme morts ou endormis. Kyle cherche  à appeler à l’aide, à trouver quelqu’un réveillé et il se rend alors compte qu’il peut s’introduire dans les pensées des gens. Ou plutôt, dans leurs cauchemars.

C’est effrayant à sa manière, ce livre m’a provoquée un nombre incalculable de fois des frissons dans le dos. Les cauchemars ne sont pas simples et anodins. Ils sont complexes, morbides. Et on se demande même parfois si la connexion entre la réalité et ce cauchemar est possible. Quelques uns d’entre eux prennent des allures surnaturelles comme lorsqu’une femme se voit dans l’obligation de se marier avec le Diable ou lorsqu’un jeune garçon se fait transformer en pierre par la réplique de Méduse. D’autres cauchemars se prêtent plus au jeu de la réalité et font office de « rêves prémonitoires ». Comme pour le cauchemar de Steve, l’ami de Kyle, devenu soldat et blessé au combat.

Le livre est assez dur à lire. Non pas dans son écriture (ni sa traduction) parce qu’on est jamais déçu du style de Malorie Blackman mais parce que le roman touche à des sujets sensibles et que je n’avais jamais encore abordé de cette façon. Nos cauchemars. Morbides. Profonds. Hantés.

Le style est fluide, l’écriture douce et c’est ce qui marque une opposition conséquente avec la dureté de l’histoire. Se mêle à ces cauchemars, la propre histoire de Kyle dont le père s’est suicidé. On saute entre sa vie actuelle, son passé et son présent instantané. Tout cela, avec une facilité déconcertante. Ce n’est pas sa propre histoire que j’ai préféré et pourtant, elle est le fil conducteur de tout le roman. Ce qui rend Kyle si différent, c’est que son propre cauchemar se matérialise et qu’il l’affronte.

J’ai conscience que ma chronique est désordonnée, confuse et maladroite mais ce sont exactement les sentiments qui m’ont étreints lorsque j’ai lu ce livre.

On en ressort pas indemne.

Et pourtant on s’y accroche. C’est malsain, compulsif mais on ne lâche pas le livre tant qu’on ne l’a pas fini. On reprend le livre en tremblant, on essaye de ne pas sursauter. On lit. On angoisse. On voit la couleur de la peur.

Et si Malorie Blackman m’avait déjà complètement conquise avec sa trilogie, elle m’inspire désormais un des plus grands respects pour avoir écrit ce livre. Il est à lire. Absolument.




Les petits plus

Traductrice : Amélie Sarn
Date de sortie : 1 janvier 2012
Pages : 314
Retrouvez Malorie Blackman avec sa trilogie Entre Chiens et Loups !